Retour sur évènementsLe Premier Symposium International organisé par le Gender Law and Policy Center (Sendai, 4-5 novembre 2004)Intervenant sur la question intitulée : "Genre et politique en France: la loi sur la parité", le Professeur Jeanine MOSSUZ-LAVAU
Retraçant le processus d'élaboration des lois sur la parité, Jeanine MOSSUZ-LAVAU commence par rappeler qu'il était surtout question, dans les années 70 et 80, de quotas. Avant que le Conseil constitutionnel ne vienne annuler tout dispositif en ce sens, au motif que l'on ne peut diviser les citoyens « en catégories ». C'est en 1992, avec la parution du livre de Françoise Gaspard, Claude Servan-Schreiber et Anne Le Gall, Au pouvoir citoyennes : liberté, égalité, parité, qu'est lancée l'idée de parité. « Les assemblées élues, au niveau territorial comme au niveau national, sont composées d'autant de femmes que d'hommes » : c'est en ces termes que les auteurs souhaitent voir inscrite la parité dans la loi. Les instances européennes ainsi que différentes associations de femmes soutinrent l'idée de parité, avant qu'une partie de la classe politique de gauche ne réagisse face aux interpellations des paritaristes. Il faudra toutefois attendre 1997 pour que le nouveau Premier ministre, Lionel Jospin, annonce une modification en ce sens de la Constitution : « Il faut d'abord permettre aux Françaises de s'engager sans entraves dans la vie publique (...). Une révision de la Constitution, afin d'y inscrire l'objectif de la parité entre les femmes et les hommes, sera proposée ». Un an plus tard, le 17 juin 1998, le Président de la République, Jacques Chirac, signera un projet de loi constitutionnel « relatif à l'égalité entre les hommes et les femmes ». Après d'âpres débats et une longue navette entre l'Assemblée et le Sénat, un accord est finalement trouvé. Réuni en Congrès à Versailles le 28 juin 1999, le Parlement modifie deux articles de la Constitution. Ajoutant à l'article 3 : « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives », il complète en outre l'article 4, relatif aux partis politiques, en ces termes : « Ils contribuent à la mise en oeuvre du principe énoncé au dernier alinéa de l'article 3 dans les conditions déterminées par la loi ». Un an après la modification de la Constitution, une loi promulguée le 6 juin 2000 prévoit la parité pour plusieurs élections (les européennes, les sénatoriales à la proportionnelle, les municipales - dans les communes de 3500 habitants et plus -, et les régionales). Jeanine MOSSUZ-LAVAU, tout en estimant qu'il s'agit là de contraintes effectives dans la mesure où les listes qui ne sont pas paritaires ne sont pas enregistrées, souligne toutefois que pour les élections législatives le système ne demeure qu'incitatif (les partis qui ne présentent pas 50% de candidates obtiennent un moindre financement public). Évoquant ensuite le bilan mitigé des lois sur la parité - qu'il s'agisse des résultats des élections municipales de 2001, sénatoriales de 2001, législatives de 2002, régionales de 2004, et européennes de la même année -, Jeanine MOSSUZ-LAVAU souligne la situation paradoxale de la France, premier pays au monde à avoir établi en droit un système paritaire, mais parmi les derniers de l'Union européenne pour ce qui est de la possibilité effective des citoyennes de voter la loi... Malgré sa loi de 2000, et en dépit de certains incontestables succès, la France n'a en effet pas encore - comparée à nombre de ses voisins étrangers - féminisé son Parlement. Ce qui fait dire à l'intervenante qu' « il persiste bien une discrimination qui frappe les Françaises même si des progrès importants ont été enregistrés dans la récente période ». Au regard des « ratés » observés dans l'application de la loi et des difficultés liées au champ visiblement trop restreint de son application, Jeanine MOSSUZ-LAVAU est ainsi d'avis qu'il faut améliorer le dispositif en vigueur. À cet égard, les propositions faites en ce sens par l'Observatoire de la parité méritent d'être prises en compte. Tant il « serait assez curieux d'avoir été le premier pays à adopter un système paritaire (...), et de demeurer l'une des lanternes rouges du monde pour la féminisation de notre Parlement ». Jeanine MOSSUZ-LAVAU est Directrice de recherche, Centre national de la recherche scientifique (CEVIPOF/ Scien ces Po) Carrière académique
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