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Le Premier Symposium International organisé par le Gender Law and Policy Center (Sendai, 4-5 novembre 2004)

Dans son intervention - dans le domaine "Sexualités et droit", et intitulée "Droit et politique européenne du genre et de l'orientation sexuelle" - le Professeur Daniel BORRILLO
a tout d'abord rappelé que les instruments juridiques et politiques de lutte contre les discriminations fondées sur le genre ont existé pratiquement depuis la naissance de la communauté européenne, ceux relatifs à l'orientation sexuelle constituant la dernière étape du processus européen de lutte contre les discriminations. Daniel BORRILLO, qui voit un rapport de continuité entre ces deux types d'instruments, estime qu' « il n'y a pas de politique de l'orientation sexuelle sans politique du genre » et que « le Genre est donc un préalable à l'orientation sexuelle ».

photo3 Photo 3 - Daniel BORRILLO, Sendai, 4 novembre 2004
photo4 Photo 4 - Daniel BORRILLO, assisté pour la traduction de MINAMINO Shigeru, Sendai, 4 novembre 2004

À la différence de la Cour Européenne des droits de l'homme (Strasbourg), la Cour de justice de l'Union Européenne (Luxembourg) a estimé que la notion de sexe ne protège pas contre les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle. Cette interprétation devait ouvrir la voie à une discussion politique débouchant sur la mise en place d'un dispositif juridique et d'une politique spécifique pour l'orientation sexuelle. Intervenant après le traitement de problèmes plus classiques (racisme, antisémitisme, xénophobie), les discriminations fondées sur le sexe et, plus tard, celles fondées sur l'orientation sexuelle, deviennent un problème susceptible d'être traité par les instruments juridiques traditionnels de protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La question de l'orientation sexuelle - en tant que forme spécifique de protection des homosexuel(le)s - constitue en effet un élément nouveau dans l'action publique antidiscriminatoire.
Pour Daniel BORRILLO, « de l'émergence du problème jusqu'à la prise en compte par les politiques institutionnelles, en passant par sa rationalisation juridique (effectuée tout au long d'un processus d'interaction individuelle, associative, et judiciaire), la construction socio-politique de la notion d'orientation sexuelle apparaît comme un révélateur des transformations profondes de matrices paradigmatiques relatives à la liberté individuelle ». Et l'intervenant de poursuivre : « En vingt ans nous sommes passés, en Europe, de la pénalisation de l'homosexualité à la pénalisation de l'homophobie ».

L'intervenant - rappellant que c'est dans la continuité du mouvement pour l'égalité des femmes que s'inscrit le débat et l'action politique de protection des homosexuel(le)s - souligne que ce n'est qu'au cours des vingt dernières années q'une tentative de protection contre les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle s'ébauche. Et ce, par la voie indirecte du recours aux notions classiques de « vie privée », de « non-discrimination », ou de « liberté d'expression », par les appels à l'application du principe d'égalité. Plus spécifiquement, c'est par l'introduction de la notion d'orientation sexuelle dans le nouveau Traité de l'Union Européenne, que cette dernière, ainsi que les membres du Conseil de l'Europe, s'engagent aujourd'hui dans l'élaboration d'un domaine juridique de protection de l'orientation sexuelle. De l'infraction pénale qu'elle constituait, l'homosexualité est devenue non seulement un comportement licite mais, désormais, toute attitude d'hostilité à l'égard des gays ou des lesbiennes est sanctionnée par le droit européen.

Dans son propos, Daniel BORRILLO s'est attaché à retracer les contours de ce processus : d'abord justification de la pénalisation totale de l'homosexualité entre adultes consentants en privé ; ensuite, dépénalisation partielle des actes homosexuels, étant entendu que tolérer n'est ni approuver ni reconnaître l'homosexualité ; puis, condamnation des traitements différenciés ; enfin, reconnaissance embryonnaire d'une « vie familiale » pour les couples de même sexe.

Analysant cette évolution, Daniel BORRILLO distingue les mesures juridiques concernées selon qu'elles se rattachent au « droit dur » (ou « hard law », soit les sources obligatoires du droit européen) ; aux sources contraignantes du droit communautaire ; au « droit mou » (ou « soft law », soit les déclarations de principe du Conseil de l'Europe) ; aux résolutions du Parlement Européen, enfin. Daniel BORRILLO a évoqué également la question de la protection des discriminations au niveau national.

Ces différents développements n'enlèvent rien au fait que, pour l'intervenant, « un corpus juridique et une action politique restent à construire » en la matière, sachant que « si, historiquement, la grande Europe a influencé la petite Europe, cette dernière pourrait dorénavant devenir le moteur d'une véritable action politique, non seulement pour ses vingt cinq membres mais également pour l'ensemble du continent européen ».

Daniel BORRILLO est maître de conférences en droit privé, à l'Université de Paris X-Nanterre

Diplômes

  • Diplôme d'avocat de l'Université de Buenos Aires (1985).
  • Doctorat à l'Université de Strasbourg, co-direction : Danièle Huet-Weiller et Baudouin Jurdant. Titre de la thèse : L'homme propriétaire de lui-même, le droit face aux représentations populaires et savantes du corps humain (soutenue le 23-11-1991).
  • Habilitation à diriger des recherches en droit privé et sciences criminelles, Université de Paris X-Nanterre, sous la direction d'Antoine Lyon-Caen, novembre 1997.
  • Délégation au CNRS (Centre Nationale de la Recherche Scientifique) Groupe d'analyse des politiques publiques GAPP, Ecole Normale de Cachan (2000-2001). Centre d'étude et de recherche de science administrative, Université de Paris II (2001-2002).

Enseignements

  • Maître de conférences en droit privé et sciences criminelles à l'Université de Paris X Nanterre (depuis le 1er octobre 1992).
  • Co-directeur du Diplôme d'Études Juridiques Appliquées, option : Droit Espagnol, Université de Paris X-Nanterre (1993-1997).
  • Professeur associé dans le programme européen "Master in Science Technology and Society" (1990-1994).
  • Professeur invité aux universités suivantes : Autónoma de Madrid (Espagne); Carlos III de Madrid (Espagne); de Valencia (Espagne); Federal de Rio de Janeiro (Brésil); Boston College (USA); Universität Potsdam, (Allemagne); McGill University (Montréal, Canada); British Columbia University (Vancouver, Cananda) ; King's College (Londres); Daito Bunka University (Tokyo, Japon), Universidad de Buenos Aires (Argentine). Institut Universitaire Européen de Florence (Italie), Université de Laval (Québec).

Principales publications

  • Homosexualités et Droit, Paris, Presses Universitaires de France (2ème édition corrigée mai 1999)
  • L'homophobie, "Que sais-je?", Paris, Presses Universitaires de France, 2000.
  • "Pluralisme conjugal ou hiérarchie des sexualités : la reconnaissance juridique des couples homosexuels dans l'Union Européenne", McGill Law Journal, vol. 46, August 2001 pp. 877-922.
  • "The Pacte Civil de Solidarité in France : Midway Between Marriage and Cohabitation", in Legal Recognition of Same-Sex Parterships: A study of National, European and International Law, R. Wintemute et M. Andenaes, Hart Publishing, Oxford-Portland Oregon, 2001, p. 475-493.
  • « L'aventure ambiguë du pacs » (avec E. Fassin), Regards sur l'actualité, La Documentation française, n°286, décembre 2002.