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Le VIème colloque du Groupe d'Études Franco-Japonais de Droit public, séminaire
« Parité et droits de l'homme en France » (Sendai, 2 septembre 2004)

Dans son exposé, le Professeur Dominique ROUSSEAU s'est attaché à décrire la révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 consacrant le principe de parité en politique, comme le passage « d'un universalisme abstrait à un universalisme concret ».

photo3 Photo 3 - Le Professeur Dominique ROUSSEAU, Sendai, 2 septembre 2004

Résumé de l'intervention

« Pays des droits de l'homme, la France a du mal à devenir le pays des droits de la femme ». Si le principe de l'égalité des droits entre les hommes et les femmes dans tous les domaines est inscrit au premier alinéa du préambule de la Constitution de 1946, qui a valeur constitutionnelle positive, la France n'en occupe pas moins l'avant-dernière place en Europe et le soixante-dixième rang au niveau mondial s'agissant de la présence des femmes dans les institutions politiques, nationales et locales, législatives et exécutives.

La révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 se fonde sur l'idée que le rapport masculin/féminin ayant été absorbé par le principe d'égalité, il convenait de refondre ce rapport sur un autre principe, celui de parité. Dans son exposé, le Professeur Dominique ROUSSEAU, en référence à la construction historique d'un « universalisme masculin », s'est ainsi attaché à décrire tout d'abord la logique des principes d'égalité, de citoyenneté et d'universalisme. Montrant que l'objet de ces derniers fut précisément de « faire disparaître les différences pour ne plus penser la relation politique qu'au travers de catégories homogénéisantes », Dominique ROUSSEAU souligna que « la visée universaliste de la Déclaration de 1789 repose sur un 'voile d'ignorance' posé sur tous les particularismes afin de saisir l'homme dans son essence, en tant qu'être et non en tant que personne ». Et il ne faudra pas moins de quelques luttes, révolutions et guerre pour voir bousculée cette abstraction.

En 1944, les femmes se voient reconnaître le droit de vote, avant que la Constitution de 1946 ne proclame, dans son préambule, le principe d'une égalité totale entre les hommes et les femmes. Par là, insista Dominique ROUSSEAU, « les constituants de 1946 reconnaissaient implicitement que l'égalité des hommes en droits, énoncée à l'article 1 de la Déclaration de 1789, ne concernait, ou n'avait historiquement concerné, que le sexe masculin, que l'universalisme affiché avait signifié l'exclusion du sexe féminin et qu'il convenait en conséquence de définir le principe d'égalité autrement, c'est-à-dire en reconnaissant le caractère sexué de l'humanité, pour atteindre l'universalisme concret ». Face aux obstacles rencontrés en pratique par les femmes, l'idée fit son chemin qu'il convenait de faire voter une loi garantissant, dans le domaine politique, une meilleure représentation des femmes. Idée condamnée par le Conseil constitutionnel à plusieurs reprises. L'interprétation du principe d'égalité choisie par le Conseil constitutionnel interdisant toute intervention législative de nature à favoriser la représentation des femmes, il apparut nécessaire de substituer à ce principe un nouveau principe, la parité, pour refonder les rapports masculin/féminin.

Décrivant ensuite la construction d'un « universalisme sexué », qui fut accompagnée d'un très vif débat entre paritaristes et égalitaristes, et rappelant les mots de la philosophe Sylviane AGACINSKY (« la mixité universelle de notre humanité trouve sa traduction politique dans la parité »), Dominique ROUSSEAU souligna que - sur le strict plan du droit écrit par le constituant - le mot « parité » ne figure à aucun moment dans les nouvelles dispositions. Le principe d'égalité reste en effet la seule référence constitutionnelle, l'article 3 de la Constitution, relatif à la souveraineté, se voyant ajouté l'énoncé suivant : « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ».

Procédant à une analyse littérale de cet article, et rappelant son évolution rédactionnelle, Dominique ROUSSEAU s'interroge sur la portée réelle de la révision du 8 juillet 1999. Cette évolution rédactionnelle manifesterait en effet clairement « la volonté de neutraliser la portée politique de la révision en adoptant une écriture 'soft' qui n'apporte aucun bouleversement des principes constitutionnels et ne fait peser sur le législateur qu'une contrainte minimum ». De même, Dominique ROUSSEAU, relevant le caractère « volontairement insipide » de la nouvelle rédaction de l'article 4 de la Constitution, relatif à la formation et au rôle des partis politiques, estime-t-il que, pour le constituant, la sanction financière des partis récalcitrants constitue le seul moyen réellement efficace pour favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. Mais, « dans un contexte toujours marqué par la domination masculine », saurait-on se passer des moyens de contraindre au respect de l'obligation de parité?